Légende et modernité de Copernic
Séminaire de Philosophie et Mathématiques, no. 4 (1979), article no. 1, 37 p.
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Bernhardt, Jean. Légende et modernité de Copernic. Séminaire de Philosophie et Mathématiques, no. 4 (1979), article  no. 1, 37 p. http://www.numdam.org/item/SPHM_1979___4_A1_0/

1. Delambre, Histoire de l'Astronomie moderne, I, Paris, 1821, p. 85.

2. Cf. Ci-dessous, pp. 8-9. Comte commence à rédiger le Cours de philosophie positive en 1830 ; les leçons sur l'astronomie sont de 1834.

3. "Archaïques" le plus souvent par abstraction de leur fonction et par référence anachronique au classicisme encore à venir.

4. Principalement dans deux articles de la Revue de l'enseignement philosophique : L'originalité de Copernic et la naissance de la science moderne, XXIII, n°6, août-sept. 1973, pp. 1-35, avec appendice bibliographique ; -Copernic, Tycho, Bradley note supplémentaire, XXV, n°6, août-sept. 1975, pp.1-22. Qu'il me soit permis de renvoyer à ces deux études, souvent plus détaillées que le présent travail. Inversesement, certaines précisions et rectifications sont données ci-dessous, avec comme références : Art.I et Art.II. Ainsi, l'Appendice bibliographique de Art.I, pp. 34-35 devrait être aujourd'hui complété au moins par les titres suivants : N. Swerdlow, The Derivation and First Draft of Copernicus's Planetary Theory, A Translation of the Commentariolus with Commentary, Proceedings of the American Philosophical Society, 117, n°6, Dec. 1973, pp; 423-512 ;- H. Hugonnard-Roche, E. Rosen et J.P. Verdet, Introductions à l'Astronomie de Copernic, Le Commentariolus de Copernic, la Narration prima de Rheticus, Paris, 1975 ; -Nicolai Copernici de revolutionibus libri sex. t. II des Opera omnia, Varsovie-Cracovie, 1975 (le tome premier présente un magnifique fac-similé du manuscrit, Paris-Varsovie, 1973).

5. Paris, 1966 et suivantes, en cours de publication.

6. On notera le titre des volumes III-1 et III-2 : La Révolution galiléenne, 1969. Je dois signaler que j'avais d'abord suivi G. Gusdorf dans mon compte-rendu des quatre premiers volumes (cf. Revue d'histoire des sciences, 1969, pp.171-179, notamment pp.175-176) qui, d'ailleurs, fourmillent de notations intéressantes. Sur Galilée et Copernic, voir ci-dessous nn. 20,21 et 72.

7. Toutes les citations sont tirées de l'article : Galiléenne (Révolution), Encyclopeadia universalis, t. VII, Paris, 1968, § 1, p.444, col.B.

8. Cf. l'inventaire établi pour la France par R. Taton et M. Cazenave, Revue d'Hist. Des Sciences, 1974, pp.307-328. Voir aussi les remarques d'O. Gingerich, Proceedings of the Am. Phil. Soc, 1973, p.520. | MR | Zbl

9. Sur ces derniers, cf. Koyré, La révolution astronomique, Paris, 1961, p.77. | Zbl

10. Cf. E. Garin, A proposito di Copernico, Riv. critica di Storia d. Filosofia, XXVI, 1971

E. Garin, Alle origini della polemica anticopernicana Studia Copernicana, VI, 1973

Edw. Rosen, Was Copernicus' Revolutions Approved by the Pope ? Jal History of Ideas, XXXVI, 3, 1975.

11. Cf. l'édition (texte et trad.) du livre premier Des Révolutions des Orbes Célestes, par Koyré, Paris, nouveau tirage, 1970 (avec errata de Rosen). L'adresse de N. Schonberg est aux pp.32-34, précédant la Dédicace au Pape Paul III.

12. "Héliolâtrie", ibid., p.23 (Introd. de Koyré) ; voir aussi Révol. astronomique, p.69 où l'on retrouve le même terme. Quoi qu'il en soit, Koyré donne beaucoup plus d'importance que Gusdorf à Copernic (voir en particulier le début de son Introduction, p.2 : "l'invraisemblable hardiesse de la pensée copernicienne").

13. Ed.Koyré, Introduction, p.21.

14. Ibid., pp.115-116, Trad. Koyré légèrement modifiée. C'est le ciel qui est dit "dieu visible" au début du livre premier, p.51. Noter que c'est Koyré qui fait du Soleil "lampas pulcherrima", Révol. astr., p.63 ; opp. le texte dont la référence est ci-dessous à la n.17.

15. Cf. éd. Koyré, Introd., pp.20-22 et Texte du De rev., I, chap.4, p.67 (ainsi que Révolu, astr., pp.61-62).

16. Cf. dans le recueil d'études sur Galilée du Centre intern. de Synthèse, Paris, 1968, la trad., due au P. Russo, de la Lettre à Christine de Lorraine, à la p.357.

17. Ed. Koyré, pp.115-116. Dans tout ce passage, ambivalence classique du visible et du voyant éclairant et surveillant.

18. Cf. "la danse des planètes", derniers mots du Commentariolus, Introductions..., p.91. Le texte dit : "tota siderum chorea" (cf. Art.I, p.19, n.85).

19. Cf. Introductions.., début du Commentariolus, pp.71-72.

20. Un passage du Saggiatore de Galilée, ed. naz., VI, p.319, cité et judicieusement commenté par Clavelin, Philosophie naturelle de Galilée, Paris, 1968, p.218 et nn., refuse toute hiérarchisation des figures géométriques prises en elles-mêmes ; elles sont seulement plus ou moins convenables à telle ou telle construction. Galilée dit aussi (Dialogo, I, p.56, cité ibid., p.218) que "seuls le repos et le mouvement circulaire (sont) aptes à la conservation de l'ordre". | Zbl

21. "Solus enim circulus est, qui potest peracta reducere", éd. Koyré, p.70. Mouvement uniforme, ainsi que précise le contexte. Cf. la citation terminant la n.20 ci-dessus Copernic et Galilée sont exactement concordants sur ce point.

22. Ce schéma simplifié à l'extrême a eu un sort malheureux : on se précipite trop souvent sur cette figure, y trouvant harmonie et pureté et simplicité. Voir un exemple dans Art.I, p.7, n.32 (où j'ai eu le tort de ne pas rappeler que, désireux de mettre en valeur, au début de son ouvrage, la nouveauté de l'essentiel de sa restriction, Copernic lui-même a voulu mettre en image, nécessairement incomplète et imprécise, le principe le plus fondamental de sa recherche).

23. Trad. Koyré modifiées, éd. Koyré, p.116 et p.43.

24. Cf. éd. Koyré, I, 4, p.70.

25. Trad.Koyré modifiée, éd. Koyré, pp.41 (trad.) et 42 (texte).

26. De sorte qu'il n'y a pas d'équivalence, malgré ce que l'on en dit souvent, ni de transformation mathématique précise entre les représentations de Ptolémée et celles de Copernic. Cf. Art.II, p.16, n.28. Il faut enrichir d'abord Ptolémée de structures précoperniciennes qui le déterminent et lui donnent forme pour pouvoir établir des équivalences.

27. Cf. Bailly, Histoire de l'Astronomie moderne, I, Paris, 1785, pp.357-358 : "Si d'un lieu quelconque vous regardez un objet éloigné, à travers une campagne nue, le rayon visuel qui s'étend de votre oeil à l'objet, ne peut vous faire connaître sa distance; vous n'en aurez point d'idée tant que vous resterez à la même place : mais si vous vous avancez vers la droite ou la gauche, vous verrez alors de coté la distance de votre premier poste à l'objet éloigné ; vous pourrez comparer cette distance au chemin que vous avez parcouru en vous écartant, et ce chemin, mesuré par vos pas, vous donnera l'idée de la distance que vous n'avez pas parcourue". Il y a en effet trois points, dont deux sont des postes d'observation : la distance linéaire des deux postes et les distances angulaires mesurées de chacun entre l'autre et le point inacessible permettent de fermer le triangle. Il ne me semble pas qu'il y ait un rapprochement à faire avec De rev., I, chap.9 ad fin., éd. Koyré, p.102, où il est recommandé de regarder ambobus oculis, "des deux yeux".

28. Ed. Koyré, p.42. Traduction remaniée (chez Koyré, pp.41-42, depicta est escamoté).

29. Il y a un ordre objectif stable, fidèle à lui-même, mais la grande affaire, pour Copernic, est d'en acquérir la connaissance précise qui se vérifie à travers la cohérence d'une méthode systématique capable d'intégrer les phénomènes (cf. Dédicace, ibid., p.45). L'accès de la systématicité de la méthode à un tableau qui se tient, le fait qu'elle n'aboutit pas à disparate et rencontre des résultats déterminés (unicité de chaque résultat pour chaque cas) est déjà, avant tout commencement de preuve proprement dite, la marque d'une supériorité essentielle sur la tradition, en tant que construction organisée qui a chance d'être la bonne, étant la seule. Une unification précise et une seule : Dédicace, pp.40 et 42; I, 10, pp.112 et 116 (éd. Koyré).

30. Du point de vue de la "dynamique" copernicienne, la régularité de l'ordre n'a pas besoin d'un centre concret, physique.

31. Le pythagorisme réel ou supposé de Copernic a fait l'objet d'un ouvrage très documenté, Br. Bilinski, II Pitagorismo di Niccolo Copernico, Varsovie, etc., 1977. Il ressort, à mon avis, de cette recension très complète, tant en matière d'études que de sources, qu'on ne voit pas du tout comment cette doctrine -bon exemple de philophie et de religion esthétique et mystique- a pu jouer un rôle dans la constitution du copernicianisme, à titre nettement différentiel. Restée vivante à la Renaissance, elle n'en avait pas moins cédé au géostatisme aristotélico-scolastique. On ne peut évidemment exclure que la translation de la Terre autour d'un feu central (voir ci-dessous, n.47) ait eu quelque influence sur le géocinétisme de Copernic, mais l'astronome semble plutôt y voir (dans le Commentariolus, cf. Introductions..., p.74) une spéculation sans rapport avec sa théorie scientifique ce qui n'est pas mal vu. En Art.I, p.18, n.79, j'étais d'un autre avis, commandé par l'idée d'une admiration de la Renaissance pour les auteurs anciens qui, en fait, est souvent plus tempérée et plus critique chez les hommes de science que chez les purs humanistes (voir par ex. le début de la Narration de Rheticus, Introductions..., p.99 ; selon ce texte, Regiomontanus n'est pas inférieur à Ptolémée, ni Copernic à Regiomontanus.

32. Le mot n'est pas trop fort et l'on est surpris que P. Arnaud, l'excellent connaisseur de Comte, ait eu l'idée d'un "Copernic, précurseur du positivisme", Studia Copernicana, XIV, 1975, pp.231-235. Voir plus bas, en particulier n.76.

33. Cf. Système de politique positive, III, Paris, 1929 ("5e édition, identique à la première"), pp.322-329, voir ci-dessous, n.42.

34. Ibid., p.329. Même page : "l'étrange silence propre au plus grand des penseurs astronomiques fut systématiquement déterminé par l'incompatibilité de la science avec la théologie qui devait encore prévaloir".

35. Cf. Plutarque, De facie in orbe Lunae, 6, 922 f-923 a.

36. Cours de philosophie positive, éd. de 1975, t.I, p.360.

37. Ibid., t.II, p.139. L'état positif ne dispense pas, bien au contraire, de théories.

38. "Les hypothèses vraiement philosophiques doivent constamment présenter le caractère de simples anticipations sur ce que l'expérience et le raisonnement auraient pu dévoler immédiatement, si les circonstances du problème eussent été plus favorables" (Cours de phil. pos., éd. de 1975, I, p.457).

39. Ibid., II, p.102.

40. Un positivisme quelque peu tronqué, mais assez fidèle pourtant, a guidé tout au long du XIXe siècle et au-delà les tentatives d'étranglement plus ou moins efficaces et toujours influentes qui s'attaquaient aux recherches réalistes de contrôle indirect (par ex. l'atomisme, la microbiologie) et systématique (tableau de Mendéléiev). Cf. dans l'Histoire de la Philosophie dirigée par Châtelet, t.6, Paris, 1973, mon exposé sur Chimie et Biologie au XIXe siècle, notamment pp.74-76, 81-83. J'ai pu vérifier que l'influence post mortem d'un Berthelot, prolongée par descente de l'enseignement supérieur au secondaire, avait atteint les débuts de la Seconde Guerre Mondiale vers 1939-40, bien des manuels de chimie ne s'exprimaient sur la théorie atomique qu'avec des réserves extrêmement prudentes... Encore aujourd'hui, le théoricien fait peur, souvent, à l'homme de laboratoire, comme s'il suffisait d'observer, de mesurer, de manipuler.

41. "La connaissance du mouvement de la terre nous conduit naturellement à nous transporter au point de vue solaire" etc. (Cours de phil. pos., I, éd. de 1975, p.364).

42. Système de politique positive, III, pp.326-327. "Quinze siècles" : plutôt dix-huit.

43. On se souviendra, sans insister sur les questions de vrais et de faux précurseurs (il serait à peine outré de prétendre que les vrais précurseurs se reconnaissent au: différences, non aux similitudes), que Copernic n'invente en aucune façon la rotation diurne de la Terre : son innovation géocinétique s'entend du mouvement de translation annuelle et n'est apparentée qu'à la théorie d'Aristarque, laquelle restait sans doute plus spéculative. Il eût été fort intéressant de repérer un contemporain de Copernic qui eut accompli, même plus schématiquement, une oeuvre analogue : on fait parfois un sort à Celio Calcagnini (1479-1541) pour son opuscule publié en 1644 (Quod caelum stet, terra moveatur...), Que le ciel est immobile et la terre mobile..., cf. W.D. Hine, art. in Isis, 64, 1973, n°221, p.22), mais cet humaniste italien s'en tient au mouvement diurne (cf. Koyré, in R. Taton dir., La Science moderne, Paris, 1958, p.57, -ou pareillement Koyré revu par Rosen, ibid., 2e éd. 1969 p.58).

44. Plus détaillé dans Art.I, pp.3-6 et nn.-. Une rectification importante : le postulat de l'incomparabilité sensible de la grandeur de l'orbe terrestre et de sa distance aux fixes est exactement le même chez Aristarque que chez Copernic ; la "rectification" erronée d'Archimède, plus mathématicien qu'astronome, est contredite par un passage du seul texte conservé d'Aristarque, Dimensions et distances du Soleil et de la Lune (point n°2, au début, in Heath, Aristarchus of Samos, Oxford, 1913, pp. 352-353). On sait que, dans des cas très divers, le postulat d'incomparabilité sensible est d'usage courant en astronomie; la reprise copernicienne n'implique pas du tout la connaissance par Copernic du texte d'Archimède, l'Arénaire, mais quoi qu'il en soit, l'astronome ancien et l'astronome moderne étaient aussi familiarisés avec la généralité du postulat l'un que l'autre (et plus qu'Archimède). On notera encore que l'absence de parallaxe annuelle des fixes fait mauvais ménage avec des conceptions finalistes (un vide immense dans le cosmos...), Tycho Brahé ne pourra y consentir, tant par pieux sentiments de l'ordre que par empirisme. Le postulat chez Copernic : cf. Commentariolus, Introductions...pp.72-73.

45. Cf. Art.I, p.5 et n.22. -Le texte de l'Arénaire sur Aristarque renferme 4 propositions (éd. de Ch. Mugler, Archimède, II, 1971, Coll. des Univ. de France, Paris, pp.135-136) : 1) le Soleil et la sphère des fixes sont immobiles ; 2) la Terre décrit autour du Soleil comme centre une circonférence ; 3) la sphère des fixes a le même centre que le Soleil ; 4) la circonférence décrite par la Terre est comme un point par rapport à la sphère des fixes (postulat complémentaire qu'Archimède comprend mal et qu'il tente de corriger après l'avoir exposé tel quel).

46. Cf. le texte d'Aristarque signalé ci-dessus en n.44.

47. C'est une citation de Plutarque, texte grec, éd. Koyré p.44 (plus exactement Aetius De placitis philosophorum, III, chap. 13, 3). Voir aussi éd. Koyré p.76 (De rev., I, 5).

48. Cf. Art.I, pp.12-13 et n.56. Le texte de Géminos, résumant Poseidonios, est cité par Simplicius, le commentateur d'Aristote ; trad. complète dans Duhem, Système du Monde, II, pp. 76-78. Sur la solidité organique de l'aristotélisme, cf. Clavelin, Phil. nat. de Galilée, 1ère partie.

49. Introductions..., p.72. Cf. De rev., I, 10, éd. Koyré, p.110. Glissement dans la trad. de Koyré, pour I, 9, p. 102 : medium mundi, "milieu du monde" et non pas "centre", trop précis.

50. Cf. ci-dessus, n.45.

51. Cf. ci-dessus, n.17.

52. Cf. Opéra omnia, II, Livre III, chap. XX et suiv., p.161 sqq. (et références de Introductions..., p.49 et n.63, ainsi que, ibid., Narratio prima, pp.108-109 et fig. pp.204-205) ; Dreyer, A History of Astronomy from Thales to Kepler, (1906, titre un peu différent), New-York, 1953, p.331 sqq.; Koyré, Révol. astron., p.63.

53. Cf. Kepler, préface à l'Astronomie nova, trad. par Koyré, Révol. astron., p.191.

54. Cf. ibid., p.155.

55. Si Copernic se laisse aller à l'extrapolation, on n'en conclura pas qu'il verse dans le "mysticisme" ou l'astrologie. C'est Rheticus qui tire, avec enthousiasme, des conclusions astrologiques et, à son tour, Koyré extrapole lorsqu'il avance que "c'est très certainement Copernic lui-même qui parle par sa bouche" (éd. Koyré, introd., p.11). En De Rev., ibid., p.51, le terme astrologia est pris au même sens que astronomia (introd. du livre premier). -Par ailleurs, on connaît un horoscope portant sur Copernic (photogr. h.-t. n°22, dans Biskup, Regesta Copernicana = Studia Cop. VIII, 1973, voir aussi p.34, le h.-t. est après p.192), indice des plus minces, en face du silence constant des oeuvres sur ce sujet et du soin mis par le "mathématicien" à se distinguer des "philosophes", des "théologiens" et aussi des "bavards" (cf. éd. Koyré, I, chap.8, p.92 : laisser aux "philosophes de la nature" le soin de débattre de l'infinité ou de la finitude du monde ; dédicace au Pape, pp.47-48 : "bavards" et... théologiens ignorant les mathématiques, Lactance "faible mathématicien"). Pour lui, philosophie est synonyme de science et ce que nous nommons de ce terme est plutôt physiologia, cf. éd. Koyré, Dédicace, pp.37, 43, 46 : philosophie (de la nature).

56. Dans mon Art.I, par souci de briéveté, j'avais passé sous silence la distinction du Soleil vrai et du Soleil moyen, mais j'aurais du expliciter cette simplification.

57. Ed. Koyré, p.45 (cf. p.46).

58. Ce n'est pas le Soleil moyen au sens de l'astronomie modene : il s'agit déjà d'un Soleil fictif, mais du point de vue de l'uniformisation de son mouvement (avant Copernic) ou du point de vue du centre du mouvement uniforme autour d'un centre excentré par rapport à la Terre et le Soleil moyen en fait autant par rapport à la Terre elle-même. Soleil vrai et Soleil moyen sont alignés ensemble lorsqu'ils s'alignent avec la Terre et le centre de révolution du Soleil vrai (et les deux cercles de révolution se coupent à la perpendiculaire de cet alignement passant par le milieu de la distance des deux centres).

59. Pour un temps, parce que la relativité générale d'Einstein remet le cercle en faveur et fait l'économie des obscures forces d'attraction, cf. M.A. Tonnelat, Histoire du principe de relativité, Paris, 1971, p.351 sq. -La résolution en mouvements "circulaires uniformes" est plus particulièrement platonicienne, selon Simplicius, comm. au De caelo. II 12 (trad. Duhem. Système, I, p.103.).

60. Introductions... p.72.

61. Cf. Koyré, Révol. astron., p.87.

62. Ed. Koyré, p.99, Cf. I, 5, pp.75-76.

63. Almageste, livre XIII, chap.2 (trad. Duhem, Système du Monde, I, p.496 et II, p.84)

64. Au livre II des Hypothèses des planètes ; pour plus de détail, cf. Art.I, pp.16-17 et nn.

65. Malgré sa liberté de langage à l'égard de la théologie, rappelée ci-dessus à la n.55, rien ne permet de douter, entre autres, de la sincérité de sa foi chrétienne (cf. Galilée). -Dans le cas de Kepler, de telles distinctions entre foi et science seraient au contraire déformantes, comme le montre bien le beau livre récent de Gérard Simon, Kepler astronome astrologue, Paris, 1979. Mais Kepler n'est pas Copernic et il est parfois imprudent de les rapprocher.

66. Cf. Ci-dessus, n.43 et Koyré, Révol. astron., pp.102-103, n.30.

67. Cf. éd. Koyré, p.145, n.18.

68. Copernic semble avant tout désireux d'émanciper la science astronomique sous les espèces de son réalisme géométrique ; la physique aristotélico-scolastique est un obstacle à écarter d'une manière ou d'une autre et il me semble que les arguments employés dans le De rev., souvent par retournement polémique des principes traditionels n'engagent pas un intérêt direct et profond pour les problèmes de physique et même de cosmologie physique. Cf. Art.I, pp.22-23).

69. Cf. Critique de la raison pure, Préface de la 2e éd., trad. Barni-Archambault, I, pp.20-21. Le rapprochement semble plus étroit p.24, n.2, où du reste, le copernicianisme de Copernic est réduit à une "hypothèse", condition nécessaire de l'accomplissement newtonien. En penseur rompu à l'analyse régressive, Kant reconnaît le rôle inaugural de Copernic, mais ne peut s'empêcher de courir malgré tout aux grandes réussites ultérieures. -Hypothesis chez Copernic signifie principium, assumptio, sans aucune note conjecturale : De rev., Introd. du Livre I, éd. Koyré, p.53.

70. Ibid., p.20.

71. Koyré, Etudes d'histoire de la pensée scientifique, Paris, 1966, p.69.

72. Il faudrait déterminer le plus précisément possible le moment où Galilée se met à étudier Copernic et se rallie à sa théorie, pour examiner si ce moment de sa formation ne coïnciderait pas avec une ligne de partage entre ses essais antérieurs, d'esprit archimédien (géométrisation selon le sensible) et des travaux d'un niveau supérieur, plus modernes (géométrisation prenant du recul devant le sensible, élaboration de structures géométriques guidant leur propre vérification dans un second temps et de façon plus ou moins indirecte). Cf. la lettre de Galilée à Kepler 4 août 1597 et la lettre de Castelli à Galilée, 6 novembre 1613 (ed. naz., X, n°57 et XI, n°941) : elles concordent et permettent de situer l'adhésion au copernicianisme vers 1590, ce qui paraît bien correspondre à un progrès important de la méthode. Datation trop tardive, à mon sens, chez St. Drake, Galileo at Work, Chicago 1978, pp.36-37.

73. Cf. Art.I, p.26 et nn.125-127.

74. Cf. ibid., p.27 sqq.

75. La marche réelle des astres semble être brouillée par des effets de perspective en Lois, VII, 822 ab. Copernic connaît le livre VII (il le cite dans l'introduction du Livre premier, éd. Koyré, p.53) ; il est tout de même difficile d'y voir une source importantes pour la pensée de l'astronome. Voir ci-dessous, n.84.

76. Cf. Analytiques post., I 18 81 a 38-39 : un sens de moins, une science de moins. C'est aussi, on le sait, la position de Comte : "il ne saurait exister aucune astronomie pour des espèces aveugles, quelque intelligentes qu'on voulut d'ailleurs les imaginer" (Cours de phil. pos., éd. de 1975, I, p.301).

77. Homocentrisme et monocentrisme : le premier terme étant réservé par l'usage à la théorie d'Eudoxe, pour désigner les constructions astronomiques à un seul centre stricto sensu, on peut appeler monocentrisme le réalisme physique d'où part le conventionalisme de Ptolémée ; la Terre est au centre du monde (Almageste, I, chap.2), donc point de référence non déformée pour le repérage empirique des trajectoires planétaires (mais, sur le plan conventionaliste des résolutions en cercles, il n'y a plus monocentrisme, bien entendu).

78. Sur Géminos, cf. ci-dessus, n.48, Osiander, l'auteur de la Préface surajoutée au De rev. contre le gré de Copernic, professe un conventionalisme astronomique tout à fait semblable, à ceci près qu'il admet des conventions apparemment contraires au réalisme physique, si elles offrent un intérêt pragmatique et si elles ne prétendent pas à vérité (cf. éd. Koyré, p.28). Du reste, Osiander insiste lourdement sur son refus du réalisme copernicien : "ni vrai, ni vraisemblable" (p.28), "absurde" (p.29), "stupide" (p.31). Il se contente donc d'assouplir adroitement le conventionalisme de Géminos pour lui faire, si je puis dire, digérer le réalisme de la nouvelle astronomie ; il reste ferme sur les principes et les dernières lignes de son texte (pp.30-31) rappellent la thèse majeure de Géminos : l'astronomie n'a pas accès aux principes réalistes de base par voie autonome, mais seulement par soumission à la physique.

79. Copernic cite Virgile, Enéide, III, v.72, en De rev., I, chap.8, éd. Koyré, p.92 ("nous sortons du port et les terres et les villes reculent"). Voir aussi I, 5, pp.73 et 75-76.

80. Sur ce rationalisme, cf. éd. Koyré, De rev., Dédicace au Pape, p.36 ; I, 4, pp.69-70.

81. Il est visible au contraire chez Aristarque pour le calcul du rapport des distance. Terre-Lune et Terre-Soleil (Lune à demi-éclairée par le Soleil), dans le traité mentionné plus haut, n.44 (point n°3 au début, éd. Heath, pp.352-353). La technique géométrique est la même, mais il y a un abîme -une révolution- entre la géométrie lue sur le phénomène (en l'occurence, du reste, sans grande précision) et la géométrisation dans l'invisible, conceptualisation libérée.

82. Cf. Opéra omnia, II, De rev., livre V, chap.21, p.281 (dimension de l'orbe de Vénus) ; livre V, chap.19, pp.277-279 (de Mars).

83. Réclamée avec insistance par nombre d'objecteurs jusqu'à nos jours inclusivement et parfois prétendument offerte, même par des gens du métier. Cf. Art.III, notamment p.17, n.30. Pour Kant, la certitude surgit avec la théorie newtonienne de la gravitation (Critique de la Raison pure, 2e Préface, p.24, n.2), pour Comte, la "démonstration complètement irrécusable du mouvement annuel de la terre" est offerte par l'aberration optique de Bradley (Cours de phil. pos., éd. de 1975, I, p.359). Dans Art.II, j'ai eu le tort de méconnaître que cette conviction touchant le beau travail de Bradley appartenait au fondateur du positivisme.

84. Sur la nécessité d'intégrer le poste d'observation terrestre au système pour éviter les déformations de perspective, cf. De rev., I, 4, éd. Koyré, p.71. L'enthousiasme général pour la perspective (déformation sans brouillage irrémédiable) doit avoir eu un rôle capital pour attirer l'attention de Copernic peut être sur le texte de Platon cité ci-dessus, n.75, mais surtout sur un autre texte qu'il connaissait bien, l'Optique d'Euclide (cf. propos. LI, trad. P. Ver Eecke, Paris, nouv. tirage, 1959, pp.46-47, voir aussi p.47, n.1 ; - en I, 10, le De rev. cite nommément l'ouvrage et l'auteur, p.103, cf. propos, LVI, trad. citée, p.49 ; trois autres passages se réfèrent simplement à "l'optique", I, 4, p.71, cf. propos. LIV, trad. pp.47-48, I, 6, p.81 (postulat d'incomparabilité sensible), cf.?, I, 10, pp. 117-118, cf. propos. III, p.3).

85. Cf. B. Gilles, Les ingénieurs de la Renaissance, 2e éd., Paris, 1978, p.10, p.164, etc.

86. Cette machinerie fait problème et a provoqué un débat assez tendu entre Edw. Rosen et N. Swerdlow (cf. Archives intern. d'hist. des sciences, XXV, 1975 et XXVI, 1976 Il me semble que Copernic en reste à une géométrie réelle, sorte de physique géométrique correspondant à son double souci de réalisme de la théorie et de maintier dans les limites optico-géométriques du vérifiable. (Cf. ci-dessus, n°68).

87. Delumeau, La civilisation de la Renaissance, Paris, 1967, p.506.

88. Copernic n'est pas Christophe Colomb.

89. Jean Cocteau, Les mariés de la Tour Eiffel, 1921, (Théâtre, I, Paris, 1948, p.57).